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de tout ce qui toucherait à l’immodestie, elle ne répugne pas moins à la vertu maussade : il faut une pudeur tendre. Dans le Règlement que la duchesse de Liancourt avait donné à la princesse de Marsillac, sa petite-fille, il semble qu’elle ne la voie que penchée sur son livre de comptes, dressant l’état de ses revenus et vérifiant les feuilles de la dépense, en femme d’affaires qui n’oublie rien, sinon qu’elle est femme. Une visite d’hommes « qui soient en âge et de sorte à pouvoir être suspects » vient-elle à se présenter, c’est alors seulement qu’elle l’invite à se souvenir de son sexe pour mettre ses chevaux au carrosse et faire retraite[1]. Mme de Lambert n’a point de ces pruderies austères. Elle ne retranche à sa fille aucun des agréments dont la nature l’a douée pour son bien et celui des autres ; elle l’exhorte même à en tirer un légitime et honnête parti : c’est durant le temps qu’existe le charme qu’il convient de se faire son crédit. Elle la laissera jouir également de ce que l’imagination peut répandre de douceur et d’illusion au fond de l’âme : l’imagination est la source et la gardienne des plaisirs ; toujours d’intelligence avec le cœur, elle sait lui fournir les erreurs dont il a besoin ; elle a droit même sur le temps, rappelle le passé, anticipe sur l’avenir, remplit tous les intervalles de l’action. Le goût n’est pas d’un secours moins puissant pour le bonheur. « Ce qui est de goût, avait dit Malebranche, est du ressort des femmes ; c’est pour cela qu’elles sont juges de la perfection de la langue. » Mme de Lambert accepte ce privilège et en étend

  1. Règlement donné par la duchesse de Liancourt à la princesse de Marsillac, sa petite-fille. — Voir aussi le Règlement que Mme de Liancourt avait dressé pour elle-même (1694).