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garde bien de rien prétendre pour les femmes qui dépasse ce que la nature ou l’ordre social permet de réclamer. Elle reconnaît que les vertus d’éclat ne sont pas leur partage. « Vivre chez soi, se régler soi et sa famille, ce sont là tous leurs mérites, mérites obscurs et que la gloire n’aide point à pratiquer. » Il rest vrai qu’elle ajoute qu’il faut du courage pour consentir à n’être vertueuse qu’à ses propres yeux, et que ce témoignage secret de la conscience est bien supérieur aux vaines démonstrations dont s’appuie d’ordinaire la faiblesse humaine. Mais ce n’est qu’une forme de consolation : pour donner aux femmes auprès des hommes la place qu’elles y peuvent tenir, elle n’a point l’idée de leur faire usurper celle qu’elles ne sauraient occuper sans embarras. Si elle remercie Saint-Évremond d’avoir rappelé qu’il en est plus d’une qui, « faisant infidélité à leur sexe, ont su prendre les talents des hommes, » ce n’est pas sans malice qu’elle félicite Mme Dacier d’être au nombre de celles qui les ont pris. Les charmes virils de la docte fille de Tanneguy-Lefebvre lui inspiraient plus de respect que de goût. Elle voudrait affermir, développer, compléter les qualités des femmes, non les forcer ni les dénaturer.

Les agréments physiques, l’imagination, le goût, la sensibilité, telle est la dot que la femme apporte en naissant. Mme de Lambert n’en dédaigne, n’en répudie aucun avantage. Elle sait que, si avec beaucoup d’esprit on a moins besoin de figure, la beauté inspire un sentiment de douceur qui prévient : c’est une grande affaire quand il faut que le mérite se fasse jour au travers d’un extérieur désagréable. Aux charmes de la nature elle veut qu’on joigne les charmes du caractère. Ennemie