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quand il est bon, il stimule : avec ceux de son rang, on se néglige, l’esprit s’assoupit, le caractère se détend. » En arrivant aux obligations à l’égard des égaux, c’est-à-dire aux devoirs de société proprement dits, on sent que Mme de Lambert ne s’y ménagera pas. Ce sont pour elle des devoirs de premier ordre : l’homme le plus honnête est celui qui les observe avec le plus d’exactitude : on les multiplie à mesure qu’on a plus d’honneur et de délicatesse. Elle définit la politesse comme Fénelon la pratiquait : « le désir de plaire aux personnes avec qui l’on est obligé de vivre, et de faire en sorte que tout le monde soit content de nous. » Elle en analyse merveilleusement les grâces liantes, ne veut ni de l’esprit qui tourne à la raillerie, ni de l’humeur qui dégénère en querelle, ni surtout de l’amour-propre qui s’impose. « Ne pas conduire l’intelligence des autres jusqu’à l’extrémité de son mérite, voiler l’éclat de ses vertus, s’oublier même, » est la première règle de l’art : « l’amour-propre est une préférence de soi aux autres, l’honnêteté une préférence des autres à soi. » Qu’il y ait dans cette immolation volontaire une part de calcul, elle ne le cache point. « C’est se tromper que de croire qu’on se donne ce qu’on refuse aux autres ; c’est mal s’aimer que de se trop aimer. Si vous voulez être heureux tout seul, vous ne le serez jamais : tout le monde vous disputera votre bonheur ; si vous faites que tout le monde soit heureux avec vous, tout le monde travaillera à votre bonheur. » Mme de Lambert va même jusqu’à passer aux gens les qualités qui leur sont contestées, pour les aider à créer leur mérite : elle a tant de fois éprouvé qu’on n’obtient qu’en proportion de ce que l’on accorde ! Mais les qualités