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plus disposée à écouter qu’à se faire entendre, mais dont le bon sens, précis et délicat, excellait à intervenir à propos pour trancher les différends. Les hommes qui fréquentaient chez Mme de Lambert n’étaient pas d’un choix moins réglé. C’était proprement une société de gens de lettres. Il s’y rencontrait de grands seigneurs, tels que le marquis d’Argenson ou M. de Valincour, « attaché au comte de Toulouse, » mais qui devaient le crédit dont ils jouissaient moins à leur rang qu’à leur passion pour les choses de l’intelligence et à leur parfaite urbanité. La science et le goût relevés par une pointe de bel esprit et accommodés aux meilleures façons étaient le passeport commun. C’est à ce titre qu’avaient été introduits Terrasson, les Boivin, Fraguier, Trublet, Buffier, Choisy, mûri par les voyages, mais resté jeune, l’aimable abbé de Bragelonne, « chéri des Grâces et des Muses. » C’est à ce titre aussi que les portes s’ouvraient aux jeunes gens en passe d’avenir, tels qu’Hesnault et Marivaux : Hesnault, le futur président fameux par ses soupers et sa chronologie, qui, à cette époque, dans le feu des premières ambitions littéraires, menait de front une tragédie, des romances légères, la déclaration solennelle d’un lit de justice, et, écrivant à la fois pour l’Académie Française son discours de récipiendaire et celui du président qui devait le recevoir, réussissait à faire applaudir son éloge écrit de sa main ; Marivaux, plus replié et dont la renommée n’avait pas encore dépassé l’enceinte des salons, mais qui déjà « laissait percer l’impatience de faire preuve de finesse et de sagacité. » Hommes de cour et hommes de cabinet, érudits et lettrés, jeunes et vieux, tous se groupaient avec respect,