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sa sollicitude. La voilà donc en prison ! » Elle ne peut se faire à cet abandon ; elle veut y penser, elle y pense sans cesse ; elle sent que l’enfant, qui se sait sacrifiée, a l’esprit chagrin, jaloux, tout prêt à se dévorer ; elle en demande des nouvelles, elle s’étonne qu’on ne lui en donne point. Sa mère, qui est allée passer quelques jours au couvent pour y faire ses dévotions, l’a-t-elle vue ou s’est-elle au moins laissé voir ? Cette incertitude transperce l’âme de Mme de Sévigné. « Ne lui avez-vous pas permis d’être dans un petit coin à vous regarder ? La pauvre enfant, elle était bien heureuse de profiter de cette retraite ! » — « Votre petite d’Aix me fait pitié, écrit-elle sévèrement un peu plus tard, d’être destinée à demeurer dans ce couvent, en attendant une vocation. » Elle ne recule pas devant les déclarations les plus fortes. « L’inhumanité que vous donnez à vos enfants est la plus commode chose du monde… Voilà, Dieu merci, la petite qui ne songe plus ni à père ni à mère. » Il n’avait pas tenu à elle que l’amertume de son sort fût adoucie. Au moment où la nouvelle est répandue que M. de Grignan va quitter le gouvernement de Provence, elle ouvre des négociations pour qu’on transfère la pauvre recluse à Aubenas, dans le couvent de sa tante d’Adhémar. « Je n’aime pas nos baragouines d’Aix, dit-elle ; je mettrais la petite avec sa tante ; elle serait abbesse quelque jour ; cette place est toute propre aux vocations équivoques… C’est une enfant entièrement perdue et que vous ne verrez plus. Elle se désespérera. On a mille