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l’éducation, de l’avenir de ses petits-enfants : elle entre en discussion suivie avec sa fille, elle lui fait des représentations, presque des reproches ; ce n’est qu’un mot lancé en passant, mais qui reste, et toute la bonne grâce qu’elle déploie dans la forme de son insistance ne fait qu’achever de mettre en lumière combien elle attache de prix à ce qu’elle demande.

La protection sous laquelle elle avait pris Marie-Blanche est particulièrement touchante. L’enfant était à peine née qu’elle s’étonnait des « petites entrailles qu’elle sentait pour elle. » C’est elle qui, pendant près de trois ans, avait eu le ménage à tenir, — elle entendait par là Marie-Blanche et sa nourrice ; — et, quelque soin qu’elle prît de se tenir en garde contre sa « radoterie d’aïeule, » elle s’extasiait à tout venant sur « la petite personne, » sur ses yeux bleus ombragés de cheveux noirs, sa bouche qui s’accommoderait, son nez qui pourrait bien tenir de celui des Grignan, sur sa voix, sur ses grâces, sur les cent mille choses qu’elle savait déjà faire et qui l’assuraient par avance de son intelligence et de sa beauté. Jamais grand’mère ne mit plus de bon vouloir dans ses illusions. Un grand vide se fit dans sa vie le jour où il fallut la rendre ; cependant elle supporta le coup en silence. Mais lorsque Mme de Grignan se résolut à placer l’enfant à la Visitation d’Aix, — Marie-Blanche avait à peine cinq ans et demi, — sa peine éclata. « J’ai le cœur serré de ma petite, de ma bonne petite, de ma petite-fille, écrit-elle avec un redoublement de termes qui correspond à l’exaltation de