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où nous sommes, et la guerre n’a épargné personne : celles qui ont laissé leurs parents avec deux mille livres de rente n’en trouveront peut-être pas mille ; celles qui en avaient mille n’en ont pas cinq cents ; celles même qui étaient le mieux ne trouveront grand’chose, et le plus grand nombre n’aura rien du tout. » On comptait sur la dot du roi. Mais même avec cette dot, que pouvait-on espérer ? Un établissement en province, au fond de quelque campagne, dans un petit domaine, avec quelques poules, une vache, des dindons, et des dindons pas pour toutes encore : « heureuses les dindonnières ! » Au fond, c’est par raison, bien plus que par inclination naturelle, que Mme de Maintenon les entretenait du mariage. À celles qui rêvaient d’indépendance et de divertissements elle montrait qu’il n’est point d’état plus soumis à sujétion. « Être libre ? et qui donc est libre ? Pensez-vous que le roi est libre, qu’il se lève quand il veut ? On entre tous les jours dans sa chambre à sept heures trois quarts, et, qu’il dorme ou non, on l’éveille… S’il vous arrivait de dire que vous mouriez d’envie de sortir du couvent pour être plus libres, comptez que pas un homme ne voudra de vous… » Et elle leur expliquait que tout est grave dans le mariage et qu’il n’y a pas de quoi rire. Elle ne craignait pas de leur faire entrevoir le tableau du foyer conjugal désert, le mari étant à l’armée pour son devoir, peut-être à la ville ou à la cour pour son plaisir : surtout elle les prévenait contre les périls des coquetteries de langage, des commerces d’esprit où, sans le vouloir, le cœur s’engage et que suit le scandale. Cependant ce n’est qu’aux têtes légères qu’elle tenait d’ordinaire ce langage. Si elle ne cherche jamais à dorer la