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future avec moins de sagesse. Elle tenait la main à ce qu’on ne leur fit perdre aucun des avantages dont les avait douées la naissance ou la nature ; elle recommandait « qu’on renouvelât aussi souvent qu’il était nécessaire les corps de celles dont le buste se gâtait » et même qu’on les ménageât sur la couture si la couture y était pour quelque chose. « Songez, écrivait-elle aux maîtresses, songez au tort que vous faites à une fille qui devient bossue par votre faute et, par là, hors d’état de trouver ni mari, ni couvent, ni dame qui veuille s’en charger. N’épargnez rien pour leur âme ni pour leur taille ! » Mais c’est moins leur grâce dont le soin la touchait, quelque parti qu’on en pût tirer, que leur vigueur et leur santé. Elle ne se faisait aucun scrupule de les obliger à raccommoder leurs hardes et à user leurs robes ; elle ne voulait pas qu’elles s’habituassent à croire qu’il n’y aurait « qu’à prendre les mesures pour avoir un habit neuf, ou à aller à la boutique pour faire des emplettes. » Elles étaient nées demoiselles, mais pauvres demoiselles. Dans leur famille, qui les attendait ? Un père ou une mère veufs, infirmes, d’humeur bizarre peut-être, chargés d’enfants dont elles accroîtraient le nombre et qu’elles auraient à servir, faisant le marché, la cuisine et le reste. « Ici je suis des heures avec vous à vous parler familièrement, ajoutait-elle ; mais, quand vous n’y serez plus, vous ne pourrez même pas aborder la porte de ma chambre ; tout le monde vous repoussera… Je ne veux point insulter à votre misère ; au contraire, je la respecte, mais vous ne serez pas toujours avec des gens qui la respecteront. Rien n’est présentement si méprisé que la pauvre noblesse… L’argent est tout dans le temps