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tout naturellement deviennent les siennes, cela lui fasse une grande fadeur et dégoût » ; elle s’excuse de « la trop oppresser » ; on dirait parfois qu’elle en a peur. Ce qu’elle craint réellement, c’est que cette affection, qui est sa vie, ne vienne à lui manquer. Toutes les raisons de l’entretenir, de l’exciter lui sont bonnes. Apprend-elle que Mme de Grignan a fourré ses enfants dans sa litière pour les emmener avec elle à la promenade, elle l’en félicite comme d’une preuve d’amitié inaccoutumée et merveilleuse ; — qu’elle a dit un mot obligeant sur son propre compte, elle en pleure, elle en rêve. Sa passion fait sa douleur autant que sa joie. C’est un état violent. « Ma fille, écrit-elle, Dieu vous préserve d’un cœur comme le mien ! — Je ne vous souhaite pas d’aimer vos enfants comme on vous aime. »

Elle protestait que cet amour maternel en était toujours demeuré au premier degré. Si l’on doit croire, pour ne la point contredire, qu’elle aima moins ses petits-enfants, on peut affirmer qu’elle les aima mieux. Quelle est la source de ces affections, si vives aussi d’ordinaire, du second degré ? Ne faut-il chercher dans l’amour des grands parents que le plaisir de revivre leur propre jeunesse ou le besoin d’utiliser ce trésor de dévouement qui, dans le cœur de la mère surtout, s’amasse avec le temps et s’enrichit sans cesse ? Ou bien serait-ce, comme on l’a dit, que participant moins directement à l’éducation des enfants, ils en recueillent le bénéfice sans en avoir les soucis et les charges ? Ne serait-