et noblement. » C’est à Mlle Scudéry qu’elle avait demandé des modèles de Conversations ; c’est Fénelon qui venait faire les prônes ; c’est Lulli qui composait la musique des chœurs ; c’est Racine enfin qui, pour les représentations théâtrales, allait fournir les tragédies.
L’usage et le goût de la déclamation avaient été introduits à Saint-Cyr par Mme de Biïnon ; mais, dans le choix des morceaux qu’elle faisait apprendre, elle apportait plus de zèle que de discernement ; le plus souvent c’était elle qui les écrivait ; et, si le sentiment en était d’ordinaire irréprochable, on n’en pouvait dire autant de l’invention ni de l’expression. Mme de Maintenon lui avait conseillé de prendre quelques pièces de Corneille et de Racine, choisies « parmi celles qui sembleraient assez épurées des passions dangereuses à la jeunesse. » Mais il arriva qu’un jour les petites filles jouèrent si bien Andromaque, qu’il fut décidé qu’elles ne la joueraient plus : « ni Andromaque ni aucune de vos pièces, » avait écrit Mme de Maintenon au poète. Cependant, après réflexion, elle estima que nul mieux que Racine ne pouvait faire, « sur quelque sujet de piété et de morale, une espèce de poème où le chant fût mêlé avec le récit, le tout lié par une action qui rendît la chose plus unie et moins capable d’ennuyer. »
La première représentation d’Esther eut lieu le mercredi 26 janvier 1689, à deux heures de l’après-midi, en présence du roi. Quatre autres suivirent les 3, 5, 15 et 19 février. Le roi d’Angleterre assista à celle du 5. « Toute la France, dit Saint-Simon — pour qui toute la France se résumait dans la cour, — y passa. » Mme de Sévigné,