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lui avait fait goûter jusque-là. » En même temps la « nouvelle favorite » entrait chaque jour davantage dans la confiance de la reine, qui, honneur insigne, lui donnait son portrait. La cour semblait ne vivre plus que par elle. Trop glorieuse pour ne pas s’en réjouir dans son cœur, elle amortissait tant qu’elle pouvait l’éclat de son triomphe. Elle se donnait avec bonne grâce, quoique sans empressement, aux fêtes, aux sermons, aux voyages. ll ne lui déplaisait pas de voir tout le monde s’habituer à son personnage, et elle s’y habituait elle-même sans trop de peine ; mais elle ne s’en laissait point enivrer. Dès qu’elle trouvait une occasion de s’écarter, elle se faisait la vie de son choix, une vie tout à la fois « solitaire et remplie. » Elle entreprenait toutes sortes d’affaires : un nouveau plan de conduite pour le duc du Maine, un mariage pour son frère, l’éducation de sa belle-sœur et de sa nièce, la création d’une Charité à Rueil ; pour chaque chose elle entrait dans un détail infini, rédigeait des notes, dressait des comptes, envoyait des consultations ; et cette activité, qu’elle réglait à son gré, lui était souverainement douce. « Je mène, écrit-elle à ses confidentes les plus intimes, une existence tout à fait conforme à mon humeur ; je suis très heureuse. »

Le 30 juillet 1683, un mal soudain emportait la reine. Aussitôt après les funérailles, la cour se retira à Fontainebleau. Ici il est bien difficile de croire que Mme de Maintenon n’ait pas embrassé tout de suite et clairement l’avenir qui s’ouvrait devant elle. À défaut de sa propre correspondance avec Louis XIV, qu’il est si regrettable qu’elle ait détruite, il faut entendre le témoignage de Mme de Caylus. « Pendant le voyage de