Françoise s’était donnée à sa tante de toute son âme. Bignette, c’était le petit nom qu’elle portait à Mursay, n’avait de joie, quand elle était chez sa mère, que lorsqu’elle recevait des nouvelles de sa tante ; c’est Mme d’Aubigné qui le rapporte. Tous les souvenirs qui la reportent à Mursay lui sont doux : ses premiers entretiens raisonnables, que Mme de Villette dirigeait avec beaucoup de sens ; ses premières aumônes, qu’elle lui faisait faire au bout du pont-levis ; les conseils et les soins de sa gouvernante, qu’elle devait appeler trente ans plus tard à la cour, elle et son fils, pour les attacher à son service. Au moment de sa conversion, forcée dans ses derniers retranchements, à bout d’arguments, elle ne consentit à se rendre qu’à la condition qu’on ne l’obligeât pas de croire que cette tante, qu’elle avait vue vivre comme une sainte, fût damnée. Même dans sa vieillesse, elle n’en parlait que les larmes aux yeux ; le jour anniversaire de sa mort, elle s’enfermait dans son oratoire pour le lui consacrer tout entier.
Quelle aurait été sa destinée si elle était restée aussi fidèle à la foi de Mme de Villette qu’elle était attachée à son souvenir ? C’est une question qui ouvre le champ aux conjectures. Mme de Maintenon n’aurait pas été embarrassée d’y répondre plus tard, alors qu’elle était habituée à chercher et à trouver la main de Dieu dans les moindres incidents de sa vie. Mais, au moment où le sacrifice s’accomplit, elle éprouva un véritable déchirement : bien qu’à peine âgée de douze ans, c’était déjà le trait particulier de son caractère de ne savoir rien faire, rien aimer à demi. Une vieille parente dont la fille l’avait tenue sur les fonts du baptême — Mme de Neuillant, — voulant faire sa cour à la reine mère, Anne d’