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elle était pensa être pris par des corsaires. » Mme de Maintenon racontant dans la suite ces premières épreuves, un courtisan, M. l’évêque de Metz, qui était présent, dit : « Madame, on ne revient pas de là pour rien. »

L’esprit d’aventure ne devait pas mieux réussir à d’Aubigné en Amérique qu’en France. En 1647 il mourait, ne laissant à sa famille que des charges, accrues par de nouveaux dérèglements. Dans sa folie de dépenses, tandis qu’autour de lui on manquait du nécessaire, il se faisait un jeu d’acheter à sa femme vingt-quatre esclaves pour la servir. « Ce vaurien a gâté sa vie, » disait Agrippa. Tout autre, en effet, aurait pu être sa destinée. Il n’avait pas seulement des défauts ou des vices. C’était un homme d’esprit, de grande mine, d’humeur enjouée et séduisante. Son père « l’avait nourri avec tout le soin et dépense qu’on eût pu employer au fils d’un prince et instruit par les plus excellents précepteurs qui fussent en France. » Il jouait du luth et de la viole, faisait des vers, et, s’il ne se fût « détraqué des lettres, il eût été un esprit sublime sur les meilleurs de son siècle. » Tous ceux qui n’avaient pas à se plaindre de ses déportements se plaisaient dans son commerce. Mme de Villette l’aimait avec passion, jusqu’à imputer injustement à Jeanne de Cardilhac une partie des malheurs où l’avaient précipité ses désordres. ll avait lui-même une vive affection pour sa fille, que Mme de Villette lui amenait dans sa prison. « Je n’ai d’autre consolation, disait-il, que ma petite innocente. » Mme de Maintenon ne paraît pas avoir été touchée de cette tendresse. Dans sa correspondance avec son frère Charles, qu’entraînait, lui aussi, le goût de la vie libre et