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Les deux amies ne dirent rien en voyant le salon ; L’éblouissement fut si vif, si profond, qu’elles se turent et qu’elles furent obligées de s’asseoir. Elles étaient pétrifiées d’admiration. Les lampes brûlaient, le feu des deux foyers rougissait sous le marbre, et solennisait l’acajou et le palissandre de chaque meuble. Les grappes du lustre en cristal les fascinèrent.

— Approchons-nous du feu, dit Lucette à ses amies pour les encourager. Il ne fait pas très-chaud ce soir.

C’est à peine si Stéphanie et Adèle osèrent s’asseoir près du feu, tant leurs petits bonnets de tulle ; leurs robes simples, les humiliaient devant tant de richesses mobilières.

Elles auraient été muettes tout le temps de l’entrevue, si Adèle, qui s’était laissée tomber dans un vaste fauteuil à roulettes ; n’eût, en cherchant un point d’appui à terre, fait rouler le fauteuil loin de la cheminée. Et plus elle voulait l’arrêter, plus elle roulait avec lui ; en sorte qu’en prolongeant cette lutte, elle fut bientôt au bout du salon, toute honteuse et toute riante de sa gaucherie. Comme Lucette et Stéphanie, riaient également de leur côté avec la même franchise, la timidité générale s’envola, et les bonnes amies s’épanchèrent.

— Comme on donnerait un beau bal, ici, dit Stéphanie.

— On pourrait aisément former six quadrilles, ajouta Adèle.

— Et nous danserons, je l’espère, avant la fin de l’hiver, dit Lucette. Et si vous valsiez un peu ! — J’ai là mon piano.

— Je veux bien !

— Et moi aussi !