Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’irait comme une soutane d’archevêque à un loup. Mais comme il m’a regardé ! ton compte est fait, se dit Fournisseaux ; je ne digérerai jamais ce regard. !

Pourtant, trois jours après, Fournisseaux était au magasin en superbe livrée brou de noix et en cravate blanche. Il avait cédé. Mais qu’il était honteux dans cet habit ! Il se cachait tant qu’il pouvait ; il se fourrait dans les coins ; et pour cinq cents francs, il ne se fût pas mis sur la porte. Douleur nouvelle, le soir, le gaz, dont il était l’ennemi personnel, illumina le magasin. C’est à faire périr toutes les marchandises, murmurait-il ; en trois jours de temps nos sucres seront cuits. Mais que leur a fait l’huile ? Pour peu que cela dure, ajoutait-il, ils changeront la manière de parler.

Ce même soir d’éclairage au gaz, c’est-à-dire d’inauguration pour le magasin, ou, pour mieux s’exprimer, d’inauguration pour la maison, Stéphanie et Adèle vinrent rendre visite à Lucette, qu’elles n’avaient pas vue pendant le remue-ménage des réparations. Elles furent reçues avec joie par Lucette, empressée, on le suppose, de leur montrer le résultat brillant des changements opérés.

— Oh ! que c’est beau ! s’écrièrent-elles toutes deux ensemble en montant au premier étage par l’escalier éclairé au gaz. C’est comme aux Tuileries.

— Tu trouves ? dit Lucette à Stéphanie.

— J’aurais peur de salir ce joli bois, si j’y appuyais ma main, ajoutait Adèle.

— Et quand elles verront le salon, pensait Lucette, que diront-elles ?