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sont une curiosité pour les autres et une gêne pour eux-mêmes, là où ils n’ont pas leur liberté.

— Je ne voudrais pas cependant me brouiller avec elles, mon ami, dit Lucette ; et ne plus les voir.

— Tu les verras toujours, mais plus souvent chez elles. Est-ce que je veux te déplaire, te tyranniser ? Je croyais que tu me comprendrais mieux, toi qui as été élevée chez madame d’Aubray, toi qui, dans un salon, ne dois rester étrangère à aucun sujet de conversation, car tu sais l’anglais, l’italien, un peu l’allemand, et tu as eu les premiers prix dans toutes les classes. Je ne pensais qu’aux occasions de faire valoir ton mérite, en te choisissant une société nouvelle.

— Tu es bon et tu as raison, Alexandre. Je serai comme tu voudras que je sois, pourvu, que tu m’aimes.

Fleuriot prit la main de sa femme.

— Elle n’est pas encore ainsi que je le désirerais, pensa Fleuriot. Richomme a déteint sur sa fille.

Les droguistes, Fleuriot avait raison, sont un peu comme l’outremer : un grain, écrasé par mégarde envahit les mains, le linge et jusqu’aux cheveux. On est bleu pour longtemps.

— Mais patience ! ajouta Fleuriot, une fois le beau-père parti, je la façonnerai à ma fantaisie. Bon cœur, esprit franc, et doux, mais habitudes de comptoir.

Et, en effet, Lucette était cela. Son mari la jugeait bien. Elle était le type des filles de la bourgeoisie commerçante. À la pension, elles ne diffèrent pas des demoiselles de l’aristocratie ; même visage, frais, plus frais souvent, même simplicité d’écolière, même degré au moins d’intelligence