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les paires de bottes, de tous les pantalons, de tous les gilets de son excellent maître, regrettant seulement parfois de n’être pas assez gros pour porter, sans y faire des plis, ces dépouilles de famille. S’il eût eu de la vanité, Fournisseaux aurait pu s’avouer que la fortune de son maître provenait en grande partie de ses conseils et de son activité. D’un mot, mais d’un mot plein de sens et de calcul, il fit un jour gagner cent vingt mille francs à M. Richomme. Pendant les cent jours, une panique entraîna tous les droguistes de la place de Paris à se défaire de leurs sucres. M. Richomme se disposait à les imiter ; il y avait déjà une parole presque donnée. Du haut d’une échelle où il était juché, Fournisseaux, témoin du marché sur le point de se conclure, dit à voix basse, et comme à part lui : Monsieur Richomme, gardez ! — Je garderai, répondit M. Richomme, je suivrai ton avis, Fournisseaux. — Trois jours après, les Bourbons rentrent ; révolution dans le commerce ; Richomme réalise cent vingt mille francs de bénéfice. Que veux-tu pour récompense, Fournisseaux ? lui dit son maître. — Une cravate rouge, monsieur Richomme. — Cherchez un dévouement plus beau chez les Grecs.

Ce qui est plus beau, c’est ceci :

Après la révolution de juillet, il y eut, chacun s’en souvient, une effrayante crise dans le commerce ; suspension de payement partout. M. Richomme avait quarante mille francs à payer le 23 novembre, et il n’avait la veille que quinze cents francs en caisse : il était fou. Dans la nuit il voulait se tuer. Fournisseaux met son habit gris, son plus beau gilet, et il sort : il va tout droit chez M. L…

Étonné, le banquier lui demande ce qui lui vaut la faveur