Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pleines de boue et de fumée, couleur garance, gluantes comme des bonbons, rouillées comme de vieux couteaux. Je ne le nommerai pas les Flochard, les Chamy, les Mauduits. C’est de l’or en barre. Vois-tu, Fleuriot, quand l’or est sur l’enseigne, c’est qu’il n’est pas dans la caisse.

— Mais, papa ! répéta Lucette, Fleuriot entend mieux le gros que le détail ; s’il est nommé député, il aura des relations avec les plus riches négociants expéditionnaires du Havre et de Bordeaux, et il traitera directement avec le Brésil, le Mexique, les États-Unis et les Indes.

— Soit, dit Richomme en regardant philosophiquement ses pantoufles ; que chacun cède à sa vocation ; au reste, ce que j’en ai dit, ce n’est que par pure et bonne amitié pour vous, mes enfants. Je suis le vieux sage des Petits-Déserts qui vous endoctrine avant de vous quitter ; il ne veut pas que ceux qu’il aime ne profitent pas de son expérience.

— Je vous remercie, mon cher monsieur Richomme, dit Fleuriot, fort peu convaincu au fond des raisons de son beau-père ; je me représenterai sans cesse vos excellents conseils, et dans les occasions difficiles j’aurai toujours recours à vous pour me conduire.

— Et tu ne me dis pas, mon gendre, l’époque à laquelle j’entrerai en possession de mon château des Petits-Déserts.

— Mais quand il vous plaira, beau-père ; le traité de vente est rédigé, vous n’aurez plus qu’à le signer. Je pense cependant qu’il serait convenable d’attendre jusqu’au milieu du printemps pour entrer en jouissance ; nous voilà arrivés en mars ; vous partiriez vers la fin de mai ou le commencement de juin.