Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’or ; c’est mon drapeau de victoire. Et vous le déchirez avant d’entrer en campagne.

— Mais, papa, interrompit Lucette, nous remplacerons l’enseigne du Balai par une belle enseigne en lettres tremblées dans une bordure d’or, et on y lira : Maison de droguerie en gros de Fleuriot, gendre. Voyez si tous les établissements de Paris ne se rajeunissent pas depuis quelques années.

— Il ne s’agit pas de rajeunir, ma Lucette, mais de vivre. Les grandes fortunes de Paris se sont faites sans tous ces diadèmes de papier doré ; elles se sont faites dans des caves. Vois les Gouriet, anciens peaussiers de la rue Mauconseil, riches à galions. Entre chez eux. Qu’y trouveras-tu ? Trois vieilles chaises mal rempaillées, un banc près du bureau, et pour bureau un billot sur lequel on a cloué une planche ; des murs de pierre, pour parquet les pavés de la rue, et deux ou trois peaux de chevreau et de cheval dans un coin. Les Gouriet ont trente maisons dans les cinquième et sixième arrondissements, et douze vaisseaux sur mer. Voilà les Gouriet. Et les Chaumier, ces fabricants de chandelles à Ménilmontant, les connais-tu encore, ceux-là ? Êtes-vous passés l’un ou, l’autre devant leur dépôt à Paris, dans la rue de Berry, au Marais ? Chaumier est assis sur le fond d’un tonneau vide, près de la porte ; et quand on vient le voir, il vous fait la politesse de coucher le tonneau pour qu’il y ait deux places. Je vous garantis, moi, qu’il fait pour trois millions d’affaires par an sur ce tonneau. Vous lui donneriez deux liards. Je n’en finirais plus si je te disais, mon gendre, , tous les millions et les mille qu’il y a dans la rue des Cinq-Diamants, au fond de ses mauvaises cours