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— Oui, papa, affirma Lucette ; et même vous nous en enverrez toutes les semaines un panier, car vous en auriez trop pour vous et maman.

— Oui ! oui ! je t’en enverrai, intéressée.

— Et vous nous enverrez aussi des fleurs, des œufs, du beurre, des poules quelquefois, des lapins souvent.

— Nous verrons cela, mais, Fleuriot, tu ne me parles pas de mon vin ?

— Vous en récolterez beaucoup, seulement je ne vous réponds pas de la qualité. Le vin de Montereau n’est pas encore à la mode dans les restaurants de Paris.

— Dire que je boirai de mon vin ! Vous en boirez pareillement. Chaque fois que je viendrai à Paris, j’en porterai en contrebande quelques bouteilles sous ma redingote. C’est si bon le vin passé en fraude ; ça lui vaut deux ans de bouteille. De son côté, ta mère, ma Lucette, en fourrera dans ses poches. C’est ta mère, je ne vous le cache pas, qui me préoccupe un peu. Elle aime moins la solitude que moi ; mais le goût lui viendra avec l’usage. Que je vous embrasse encore une fois, Fleuriot, et toi, Lucette, d’avoir pensé à moi. Gageons que vous ne me reconnaîtrez plus au retour, si je reste seulement six mois absent. J’aurai l’air d’un capitaine de vaisseau, d’un loup de mer, je serai bronzé par le soleil, vigoureux et alerte. Ah ! ça, vous m’écrirez le plus souvent possible ?

— Mon cher monsieur Richomme, je vous tiendrai au courant des mouvements, électoraux, afin que vous me ménagiez toujours, quoique éloigné, des intimités avec vos amis les électeurs influents de l’arrondissement. Il faut que vous emportiez ce souci avec vous dans la retraite ;