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homme à qui le riche droguiste s’était adressé, vous n’avez plus qu’à penser à vous maintenant, à votre repos si bien mérité. Profitons du moment où nous sommes seuls pour causer des arrangements que ma femme et moi avons pris dans l’intérêt de votre avenir à l’abri pour toujours des embarras du commerce, des tracasseries de ventes et d’achats, et des dégoûtants ennuis de l’industrie.

— Voyons ce que vous avez imaginé, mes chers enfants, dit le droguiste en arrondissant son bras autour du cou de sa fille Lucette, et en souriant à son gendre.

Les trois sièges se rapprochèrent plus étroitement de la cheminée.

— Tu peux aller te coucher, Fournisseaux, dit, sans changer de position, le père de Lucette. Voilà onze heures, Fournisseaux, régale-toi encore d’une tasse de café froid pour t’empêcher de dormir, et gagne ton lit, entends-tu ?

— Oui, monsieur Richomme ! je n’ai plus qu’à boucher le tafia.

— Fournisseaux !

— Monsieur.

— N’oublie pas de descendre au magasin cependant et de voir si les cruches de vitriol sont bien bouchées : prenons garde au feu. Jette aussi un coup d’œil chemin faisant sur les ballots qui doivent partir demain matin pour le roulage, et assure-toi que l’emballage est bien conditionné. Le samedi soir les commis ne font rien qui vaille ; ils ont la tête pleine de Musard. Il n’y avait pas de Musard dans mon temps ; diable de Paris ! Je n’ai pas besoin de te recommander, Fournisseaux, de voir si la souricière est placée où sont les barriques de sucre : trois