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— Qui m’appelle ?

— Katty ! Katty ! — fille d’Hanna ! ma fille !

Je crois que si dans ce moment le roi de France était venu à passer, lui et toute sa cour, j’aurais oublié de me découvrir.

Prenant sa fille dans ses bras comme lorsqu’elle n’était que la petite Katty, lord Brady la souleva de terre, et il marcha quelques pas en l’embrassant ainsi.

Mais quand il la posa à terre, ce fut au tour de sa fille à le soutenir. Ils descendirent ainsi à pied les Champs-Élysées, le père appuyé sur l’enfant.

Et moi ! je les suivais du regard.

Je compris alors que le spectacle de tous les monuments du monde, des capitales et des populations d’un million d’âmes, ne valait pas, pour remuer le cœur, ce père et cette fille qui se rencontraient par hasard à la porte d’une ville, après huit ans d’une séparation qu’ils croyaient éternelle. Et je les vis décroître dans le prolongement des Champs-Élysées.

Le père ne me connaissait pas ; l’enfant m’avait oublié.

Je ne les vis plus. — À quoi bon les revoir ?

J’appris seulement que lorsque le père et l’enfant arrivèrent à l’hôtel, prévenue par le domestique de lady Katty une femme était au milieu de la rue, qui attendait.

— Milady ! vous ici ! par le Dieu tout-puissant Hanna, dites-moi, comment vous aussi avez retrouvé notre fille !

— Milord ! Dieu me pardonne mon parjure ! je ne l’ai jamais quittée.