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rua sur la foule, qui s’écarta pour le laisser passer. Il se précipita dans la rivière, où il s’éteignit probablement.

Un peu assourdie par le rempart de fumée qui l’isolait de la populace, la voix du moine s’éleva encore une fois pour dire :

— Et maintenant que nous avons répondu aux quatre-vingt-seize propositions de monseigneur Pandolfi, représentant de Rome ; que nous l’avons réfuté sous toutes les formes du raisonnement, ainsi que vous l’attesteriez au besoin, il ne nous reste plus qu’à faire une sainte justice de ses œuvres.

— Au feu ! cria la populace, au feu !

La conséquence était forcée.

Abandonnées au vent, les propositions du légat volèrent par feuilles sur le dôme rouge et sombre du bûcher. Elles retombèrent en cendres.

Frère Martin, jugeant alors sa mission accomplie, descendit de son théâtre de gloire, le front en sueur et les doigts un peu brûlés, émerveillé toutefois du succès qu’il avait obtenu. La terre ne le portait pas. Il est à peine nécessaire d’ajouter que la foule l’embrassa, le complimenta, le porta dans ses bras tout autour de la place. Enfin lui et la foule se retirèrent, la nuit étant très-avancée, ou plutôt le jour étant fort proche.

Il traversait silencieusement une des rues, qui conduisaient à son couvent, lorsqu’il fut éveillé de ses pensées d’avenir par une main qui le frappa précipitamment à l’épaule.

— Frère Martin, votre robe brûle ! Laissez-moi faire : arrêtez-vous, ne vous agitez pas, ou vous êtes perdu.