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vivante pointée sur eux. Pfeiffer, pénétré de l’utilité de sa mission horizontale, se roidit en poutre, durcit ses nerfs, et prête son élan à l’impulsion terrible qu’il reçoit. Ce n’est plus qu’un long clou : il s’agit pour son honneur de se ficher sans se tordre dans ce mur de lansquenets. Un instant sa tête entre dans son cou par la répulsion violente qu’elle éprouve. Au second choc, elle s’enfonce victorieusement. La vrille a percé ; entre qui voudra par le trou. Tous entrent. Ils sont accueillis par leurs compagnons de la place, moralement comme des victimes, physiquement comme un tonneau de harengs qu’on vide dans un autre tonneau déjà plein.

— On voulait nous égorger, et vous ?

— On voulait nous égorger aussi ! Brigands de lansquenets, ennemis de la parole de Dieu !

— Laisse-moi entendre cette parole de Dieu sur tes épaules.

— À vous deux, portez-moi, que je voie la parole de Dieu.

Dans ce moment, la parole de Dieu ne parlait pas.

On était occupé à mettre le feu au haut de la mitre, au bas de la robe de Boccold. Les deux flammes, en se communiquant, n’en formèrent plus qu’une, ce qui augmenta singulièrement l’ivresse du peuple.

Personne ne quitta le champ de bataille. On aurait considéré comme une lâcheté d’abandonner le moine, qui s’exposait bien plus que tout le monde.

Au contraire, chaque regard lui envoyait une protection, et entre lui et le bûcher trente hommes des plus robustes, accroupis, formant un rempart de chair, après le rempart