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— Oui, mes frères, reprenait le moine ; ils ont des châteaux sur le Tibre, et si vastes, que deux seulement ne tiendraient pas dans la bonne ville de Wittemberg, et si beaux que le palais de notre glorieux électeur Frédéric n’est qu’une écurie en comparaison.

Dieu souffre-t-il ces châteaux ? S’il les permettait, il autoriserait donc l’inégalité parmi la grande communion des chrétiens.

— Légat maudit ! bœuf tonsure ! léviathan romain, entends-tu ? Rends donc les châteaux, rends donc les marbres, les jardins, les palais ?

— Ah ça ! vous croyez donc, vous autres, qu’il est aisé de rendre des châteaux ? Est-ce que je les ai dans le ventre ?

— Frappe toujours sur le dos !

— Frappe toujours !

Ce ne fut pas seulement sur le dos de Boccold qu’on frappa ; l’un l’autre s’animant, les bons Allemands se frappèrent entre les épaules avec une jovialité féroce. Cinq ou six mille hommes occupés à cette besogne ressemblent beaucoup à une mêlée, et leurs coups de poing à des coups de poing. Tout ne se borna pas là. Ceux que les hallebardiers et les lansquenets tenaient éloignés de cette scène s’imaginaient qu’on égorgeait leurs compagnons. Ils tentèrent une percée pour se joindre à eux. Alors seulement l’intérieur de la place eut connaissance de la troupe qui la cernait. On se souleva, on cria qu’on empêchait les pauvres d’entendre la parole de Dieu ; on parla de résister aux lansquenets s’ils osaient disperser les fidèles ; on appela les