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la foule répéta de nouveau avec une formidable énergie, au fond du tympan de Boccold :

— Qu’as-tu répondu de Francfort-sur-l’Oder ?

Tandis que Boccold fait un peu languir sa réponse, certains lansquenets, déjà signalés, reparaissent au même endroit, là-bas, au bout de la place.

— J’ai répondu… Boccold regarda frère Martin avec un air nais qui semblait vouloir lui dire : Soufflez-moi donc ce que j’ai répondu. Ceci n’est pas dans le rôle.

— Répondras-tu ?

De minute en minute, la flamme se déployait plus ardente et en nappes entre l’orateur et son auditoire.

Ceux dès habitants qui n’avaient pas eu connaissance de l’événement accouraient à l’odeur de la fumée. Ils arrivaient trop tard ; et, par quelque issue qu’ils se présentassent, ils étaient reçus au bout de la pointe des hallebardes. On en piqua quelques-uns ; leurs compagnons rugirent ; les plus éloignés crièrent au meurtre. Rien de tout cela ne transpirait encore dans la foule, toujours plus altérée d’écouter le singulier dialogue établi entre le moine et Boccold.

— Tu as répondu, reprit le moine, comme le tison répond à la paille, la flamme à ce bûcher. Cendre n’est pas réponse, mortel rongé de luxe.

Affectant la surprise et bronchant comme un homme ivre exposé au vent, Boccold répliqua avec lenteur : On me reproche mon luxe ; et il considéra avec une fierté ironique les guenilles qui le couvraient. Quel luxe ?

La réponse éclata, mille voix s’élevèrent.

— Les cardinaux, c’est avéré, ont chacun cent cinquante-