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vôtres ! Si je gagne, vous me remettrez une indulgence ; si je perds, je vous en signe une à l’instant même. Cela va-t-il ?

— Cela va.

— Entendu ; faisons bien nos accords. Nos conditions sont que, si vous perdez une année de péchés, il vous sera loisible de doubler jusqu’à quarante années, nombre exact qui représente mon âge. Si vous perdez quarante fois, je n’aurai plus de péché et vous en aurez d’autant. Passé cela, vous jouerez à votre gré votre temps de purgatoire et votre part de paradis, si toutefois vous y avez quelque droit. Et si vous perdez encore, vous me donnerez…

— Je vous donnerai deux frédérics d’or.

— Non pas ! non pas ! deux frédérics d’or !

Ici l’étranger ouvrit son manteau, en rejeta les pans avec noblesse sur ses, bras déployés ; et, par ce mouvement théâtral, laissa voir un costume rouge feu.

— Non pas ! non pas ! s’il vous plaît, seigneur Zodiaco, répéta l’étranger en grossissant sa voix, deux frédérics d’or ! mais bien votre âme, car j’aurais gagné tout ce à quoi elle avait droit.

— Vous jouer mon âme ! Où suis-je ? qui donc êtes-vous ? Mais c’est un sacrilége…

— Qui n’est pas plus grand que celui de trafiquer de l’âme d’autrui, et de vendre dans un cabaret le paradis en détail, marchand d’indulgences.

— Vous êtes donc le diable ?

— Je suis Érasme, natif de Rotterdam.

Et avec un rire fou, Érasme, qu’un bruit inaccoutumé