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ces racines, le couvent tombe. Ainsi de tout. Hardi qui touche, imprudent qui renverse.

— Vous pensez donc qu’il faut tout laisser en place ?

— Et vous ?

— Moi ? à votre éloquent sermon j’avais réchauffé mon indignation contre Rome, ses faux docteurs, contre ses faux prophètes et ses faux dieux. J’avais recueilli une étincelle, et tout en moi s’était embrasé. Permettez-moi de vous le dire, je me trouve froid devant vous maintenant, et je ne crois pas que ce soit par ma faute.

Une rougeur subite glissa sur les joues d’Ulrich.

— Il ne dépend pas de moi, reprit avec encore plus de calme le docteur, de monter mon enthousiasme au niveau du vôtre. Chacun fait ce qu’il peut, agit comme il sent.

— Ah ! vous avez sans doute beaucoup fait ! s’écria Ulrich.

— Je n’ai pas beaucoup fait. De quoi doivent se glorifier les hommes ? Mais je crois qu’à ma place vous eussiez manqué de circonspection et peut-être de justice.

— De justice, non. Je viens de Rome, dont vous avez tracé un si effrayant, tableau et si vrai ; j’ai sondé la plaie romaine : elle est sans fond. Les païens étaient des chrétiens auprès des chrétiens qui leur ont succédé. J’y étais allé pour m’abreuver à cette source de notre foi, sur l’avis de mon père, qui me destinait aux ordres, dont je ne veux plus depuis que j’ai vu que la source était empoisonnée. J’ai vu des cardinaux habillés en femmes, chargés de rubans, d’or et de vices, pouvant à peine, tant ils étaient faibles, porter la mitre d’or de leur tête. Partout des fêtes