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tumulaires. Peu à peu le bruit de leurs pas ne fut plus qu’un frôlement, la clarté de leur lampe qu’une lueur ; leurs deux ombres seules ne cessèrent de grandir, elles remplirent l’église d’obscurité, jusqu’au moment où la porte du cloître se referma.

La cérémonie était commencée. La salle des conférences était tendue d’un drap noir qui cachait les portraits des religieux célèbres de l’ordre, depuis saint Augustin jusqu’au père Staupitz. Six flambeaux jaunes portés par des candélabres éclairaient sur deux rangs le catafalque où reposait le corps du défunt, tenant un calice entre ses doigts pâles. Debout, leur bréviaire à la main gauche, et un cierge dans la droite, les moines récitaient la prière des morts.

Elle était à peine achevée quand le frère Müller tira par la manche un des moines présents à la cérémonie pour l’avertir qu’un étranger l’attendait dans sa cellule.

— À cette heure ! qu’il revienne.

— Il ne le peut, m’a-t-il dit.

— Savez-vous de quelle part il est ici ?

— De celle de votre père et de votre mère.

— Je suis à lui. Tenez, prenez ce flambeau et ce bréviaire et priez pour moi.

— Pour lui. Vous voulez dire pour le mort !

— Non, pour moi, à ma place, entendez-vous ?

Le docteur s’esquiva sans bruit et sans lumière ; il franchit les galeries de la cour, toute blanche de la neige qui était tombée.

Frère Müller pensa à part lui : Le docteur eût tout aussi bien fait de me remplacer par un candélabre et un pupitre.