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— Est-ce là de l’or, misérable sorcier ?

— Ouvrez ce sac.

Le sac fut ouvert.

Un homme tout nu en sortit, qui en s’élançant cria : Libre !

— Libre ! a-t-il dit, reprit le magicien. N’est-ce pas de l’or, de l’or pur, que contenait ce sac ?

— Oui ! Tu vaux mieux que le fer, tu es libre ! tu vaux mieux que l’argent, tu es libre ! tu vaux mieux que l’or, tu es libre, Boccold !

Boccold, c’était le nom du mineur affranchi.

On le conduisit aux pieds d’Ulrich qui, tirant son épée toute ruisselante des feux de la mine, s’écria :

— Au nom de mon père, votre maître et le mien, le graf Eberard Eberstein, je te fais libre, Jean Boccold ! Va où tu veux ! vis où tu peux ! meurs dans ton Dieu !

Un manteau fut jeté sur les épaules de Boccold, et on l’aida ensuite à monter sur le trône qu’occupait le divinateur.

Quand il y fut assis, comme le roi des gnomes, une autre cérémonie, longue et énigmatique pour beaucoup de ceux qui s’y prêtaient, pour les femmes surtout et les enfants, eut lieu, mais sans trouble ni emportement. Tous ces démons, redevenus des hommes, et des hommes malheureux et tristes, brisés de souffrance, ridés, vieux sans vieillesse, retombés des hauteurs exagérées d’un enthousiasme corrosif, prirent leurs vieilles mères sous le bras, leurs pères de l’autre, mirent leurs enfants de suie sur les épaules, et comme s’ils allaient partir, sortir de la mine,