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une couleur comme elle a un parfum. Ulrich exhalait le soleil et la terre.

Il s’aperçut, et il en fut touché, que les mineurs avaient une déférence particulière pour le vieil aveugle Lindermann et pour sa femme. Quand ils parlaient, on les écoutait dans le plus profond silence. Ils étaient vénérés à cause de leur grand âge écoulé dans la mine, consultés dans les affaires où les lumières des autres étaient trop courtes : ils pacifiaient les différends ; ils étaient la justice de ces pays ténébreux.

Du plus loin qu’on put voir, on aperçut des flambeaux qui arrivaient de tous les points vers le centre où était Ulrich. Silencieux et graves, les mineurs marchaient en brandissant leurs instruments, leurs pioches, leurs marteaux et leurs pelles. Serrés l’un contre l’autre, ils s’avançaient dans tous les sens. La terre tremblait.

Quand ils furent sous la voûte, ils élevèrent un tertre. Sur ce tertre allait s’asseoir celui qu’on avait choisi pour proclamer l’affranchissement de leur compagnon.

Au pied de ce trône de pierres et de minerais, les ouvriers creusèrent un trou avec leurs pioches. Ils y poussèrent un bloc de charbon.

Auprès de ce trou qu’ils avaient recouvert, ils en firent un autre, qui cacha, au lieu de charbon, du minerai de fer. Un troisième, pratiqué à égale distance, recéla un bloc d’argent natif. Enfin, dans le quatrième, les mineurs déposèrent un sac assez lourd, qui disparut aussi sous une faible couche de terre.

Quand les trous furent tous bouchés et la terre bien aplanie sous les pieds, parut l’homme à la baguette (le