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— Et de quel règle ?

— De Saint-Augustin, à Wittemberg. Il passe ses jours dans l’étude, ses nuits dans la prière ; il ne sort de sa cellule que deux fois par an, et c’est pour venir ici. Mais, s’interrompit la vieille Lindermann, en regardant son mari comme pour le consulter, si nous chargions le fils de notre gracieux maître de cet envoi dont nous parlions hier…

— Parlez, mes amis.

— Voici. Nous avons économisé deux thalers, mon mari et moi, depuis l’année dernière, pour les consacrer, selon notre usage, à nous acheter des indulgences. Notre embarras est de faire parvenir cet argent à notre fils, qui se charge ordinairement de le remettre aux envoyés du saint-père. Notre fils est en retard cette année, et nous craignons qu’il ne nous oublie tout à fait.

— Voulez-vous que je lui porte vos deux thalers, bonnes gens ? Ils lui seront remis dès demain. Son couvent ?

— Le couvent des Grâces…

— … Couvent des Grâces, écrivit Ulrich sur le paquet qui contenait les deux thalers. — Ses titres ?

— Vicaire, régent des études.

— La commission sera remplie. Reposez-vous sur moi.

Et la vieille, tirant à part Ulrich, lui dit : — Cachez vite ce gulder de plus, et remettez-le à mon fils avec les deux thalers. Mon mari n’en sait rien. C’est pour un péché qu’il a commis, et dont il ne veut pas convenir. Il a soutenu que son fils était un ambitieux ; c’est un mensonge.

Ulrich sourit en prenant l’argent de la vieille. Insensiblement les autres mineurs, attirés par la curiosité, et surtout par le phénomène d’un seigneur causant avec familia-