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guerres ; après leur mort ils retrouveraient ces merveilles dans le ciel. Leur âme habiterait des villes bien peuplées.

Ces vieux mineurs et leurs femmes avaient des cheveux blancs qui s’abaissaient sur leurs visages couleur d’argile. Ils parlaient peu, car l’isolement ôte graduellement l’envie de transmettre sa pensée ; ils avaient l’inertie de l’atmosphère qui les enveloppait ; autour de leur âme s’étendaient couche sur couche l’ennui, la tristesse et l’indifférence. Les rougeâtres tisons soufflaient de loin eh loin des flammes sur leurs visages, des cendres dans leurs cheveux, où elles restaient. Quand les éclats du charbon embrasé lançaient en sifflant des scories hors du cercle, un bras sec et raide comme des pinces les saisissait et les remettait au foyer. Il fallait, du reste, que ces projectiles, tombassent bien près d’eux pour qu’ils prissent même ce soin.

De ce point, comme centre, on distinguait, sous les longues galeries et à des distances perdues, des pelotons de mineurs, ou plutôt leurs milliers de torches, réduites, par l’éloignement, à des gouttes de feu, à des paillettes d’or animées, génies familiers de ces excavations. Sous certaines voûtes, on eût dit un bal de gnomes, sous d’autres des sauvages achevant un repas humain ; là-bas un rêve, là-bas un embrasement ; plus loin des âmes errantes dans les corridors du purgatoire, plus loin encore ce souffle visible dont parle saint Jean dans ses insomnies. Comme ces feux luisaient de partout, ils traçaient une ellipse autour de l’œil, et cette ellipse, par une fascination naturelle, tournait, tournait plus fort, confondait tout, la lumière et le reflet, et l’on se serait cru, à la place où se tenait Ulrich, englouti avec quelque planète qui, tout à coup détachée du mou-