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puits deux paniers se balançaient ; Ulrich et Gottfried se placèrent dans le même ; celui-ci saisit la corde où était attaché le panier vide, et il ne commença à la lâcher qu’après avoir éteint le falot, précaution nécessaire, car la vue des objets fuyant devant les yeux avec une rapidité égale à la chute ferait tomber en défaillance. Ulrich fut prévenu que la moindre imprudence entraînait dans ce trajet de funestes accidents. Au moindre balancement, la corbeille s’incline et dégorge, comme un résidu de charbon, le voyageur téméraire à cent cinquante pieds au-dessous de lui.

Ils descendirent. Un mugissement rauque, lointain comme celui d’une cascade, se mêlait au vent noir, courant de bas en haut, causé par la vitesse de leur chute. Ils étaient dans le voisinage des aqueducs d’où s’échappent les eaux qui jaillissent spontanément des fouilles, et engloutissent si souvent les malheureux mineurs. Ulrich traversa comme une ligne de plomb le puits percé au milieu de ces eaux invisibles, qu’une pompe élève à une certaine hauteur pour les déposer dans un bassin, qui les rejette au dehors dans le lit de quelque rivière.

Le panier toucha la terre.

Ulrich ouvrit les yeux devant deux mille mineurs armés de flambeaux, debout au milieu d’un salle ardente de lumières que reflétaient les nombreuses pyrites dont elle était semée. Cette clarté était chaude ; elle se renouvelait trop vite pour la cavité où elle s’exhalait sans issue ; et, répétée, pressée comme elle l’était, elle semblait agir, sur les parois avec la puissance de la vapeur. La lumière bouillonnait.