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— Voudrais-tu le nommer Loup ? Soit.

— Seigneur, sa mère désirerait le garder près d’elle, lorsqu’il sera grand, parce qu’il lui ressemble.

— Tu as gardé le dernier : non, Claus ; un pour toi, un pour moi : — bonne justice.

— Mais sa mère pleurera, seigneur ?

— Siffle-lui un air pour l’endormir, dit Johann.

— Vous êtes dur, Johann ! ne put se retenir de s’écrier Ulrich en frappant du pied.

Claus ne sut que dire : — Merci, seigneur Ulrich ; vous êtes bon comme mademoiselle. Que n’est-elle ici ! elle serait bien contente de vous voir ne pas être trop méchant pour le pauvre Claus. Mais les saintes vont au paradis. — Le graf étendit ses bras entre ses deux fils pour qu’ils eussent à se taire ; ils posèrent chacun un baiser respectueux sur ses mains.

— Que rapporterai-je à la mère ? demanda Pfeiffer.

— Ce que nous avons réglé une fois pour toujours : j’ai eu ton premier garçon, tu as eu le second, moi le troisième, toi le quatrième. Le cinquième m’appartient.

— Et fais-en vite un sixième, dit Johann, tu seras quitte à quitte.

Pfeiffer n’était plus à la conversation. Sa lucidité d’un instant s’était évanouie dans le refus qu’il éprouvait du graf, de lui accorder son cinquième fils nouveau-né. Il crut soupirer, il siffla. Ses poings étaient fermés de rage.

— Mais avance, que je t’apprenne un air de ma façon, dit Johann en posant ses deux mains, comme se le fût permis un petit chien envers un lion apprivoisé, sur les épaules de Pfeiffer et en lui sifflant au visage. Claus aurait