Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme cela arrive toujours, la leçon pour l’image, et ils s’amusèrent comme des enfants.

La soirée en était là, lorsqu’un knecht (serviteur) demanda si un paysan, qui avait à parler au graf, pouvait entrer.

Le graf fit un signe. La portière se souleva pour livrer passage à un interminable paysan, en qui il fut facile de reconnaître Claus Pfeiffer, le siffleur, que nous avons déjà vu dans la matinée sur la place de Wittenberg. En entrant, il avait ôté ses souliers.

— Eh bien ! Claus Pfeiffer, as-tu bien sifflé aujourd’hui ?

— Ni mieux ni plus mal, seigneur. Depuis vingt ans que je siffle, il survient rarement des événements entre mes oiseaux et moi. Nous ne sentons presque plus l’amusement de la chose.

— Et quelle avalanche t’a roulé jusqu’ici, mon vieil ours ?

— Je viens, répondit Claus, je viens…, et il sembla chercher au plafond la suite d’un air ; il sifflotait doucement :

— Ah !… voici : pour vous apprendre que ma femme a fait un enfant. — Et, avec autant de joie que si elle eût accouché de deux, il ajouta : C’est un garçon.

— Tu es adroit, Pfeiffer ; voilà, bien compté, ton cinquième garçon. À la bonne heure ! si tu m’élèves des faucons qui piquent les oiseaux, tu sais aussi me fournir des garçons pour courir les chercher dans les broussailles.

— Oui, seigneur, de bons chiens.

— Ce dernier est donc à moi ; appelle-le Corbeau.

— J’aurais une grâce à vous demander, seigneur.