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mon père, poursuivit Ulrich en baissant les yeux, ma fierté, mon orgueil sans doute déplacé, m’ont toujours empêché de l’admettre.

— Vos répugnances ne changeront pourtant rien à votre devoir, je l’espère, Ulrich.

— Je crains le contraire, excusez ma franchise.

Trop pénétré de son autorité pour la compromettre par quelque signe de mauvaise humeur, le graf réprima un mouvement d’impatience. Il essaya de reprendre son premier ton de condescendance. Pour cela, il n’eut qu’à regarder Ulrich, dont la figure respirait la soumission d’un ange.

— Vous êtes allé à Rome : je vous y avais envoyé pour que vous vous décidassiez à embrasser les ordres, d’après l’exemple de tant de fils de princes, plus zélés que vous sans doute à obéir à la volonté de leurs pères. Je vous citerais, s’il est nécessaire, votre bon cousin, l’abbé de Kempten, si heureux dans son abbaye ; prenez exemple sur lui. Je regrette qu’en revenant de Rome à Wittenberg vous ne l’ayez pas visité. Il me semble, à ce propos, que votre retour a été bien prompt.

— Oui, mon père.

— Et comment êtes-vous revenu de Rome ?

— J’en suis revenu chrétien.

À cette réponse, Johann rît comme un fou. Il jugeait son frère extrêmement naïf. L’in-folio faillit glisser de ses genoux à terre ; dans son hilarité il passa au moins deux imagés.

Eberstein considéra Ulrich d’une façon peu indulgente, et qui lui ôta au moins dix ans dans son estime personnelle.