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taisent ! je raconte et je n’accuse point. — Point de haine, ou je descends.

On eût dit, en ce moment, que le moine tenait par les cheveux et secouait l’immense tête de l’auditoire, et qu’après l’avoir élevée jusqu’à la hauteur de son souffle enflammé, il l’avait ensuite rejetée avec colère.

Pourtant, ajouta-t-il avec une effrayante ironie et un prosaïsme de damné, voyez, c’est votre affaire, combien vous avez dans la poche de quoi commettre de crimes. Fouillez-vous donc. — Puis, avec un ton de pitié enflé d’insolence :

— Des murmures contre le saint-père ! — ah ! ah !

Vous voulez donc que je descende de cette chaire ? Qu’à cela ne tienne, je descends.

Il s’avança jusqu’aux marches de la chaire, comme s’il eût vraiment eu l’intention de la quitter, plutôt que d’y rester au prix d’un scandale déchirant pour son âme. Cette évolution fort peu oratoire, grotesque, mais animée, loin de calmer l’effervescence qui bouillonnait dans l’église, ne servit qu’à l’augmenter. D’une voix pathétique, le moine reprit :

— Croyez-vous donc, malheureux, que, si notre saint-père connaissait comme nous le trafic qui se fait en son nom, il ne s’y opposerait pas de toute la candeur divine de son âme ?

Un ricanement d’incrédulité ayant accueilli ces dernières paroles, il s’écria avec violence :

— Je vous répète qu’il ne le sait pas. Je me porte garant du saint-père. Pourquoi donc cette rumeur qu’ont soulevée mes paroles ? Au nom du ciel, n’attirons pas l’anathème sur nos têtes audacieuses ; ne soyons pas impies en luttant