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trop plein, d’autres paysans, d’autres bûcherons, qui stationnaient sur le parvis, au milieu de la place, aux angles des rues aboutissantes, Baer, Calb, Hammel, Fuchs, glapirent.

— Qu’à dit le moine ?

— Cela et cela, Claus Pfeiffer.

— Bien ! Un morceau de ton pain, frère, et écoutons.

Claus recommença son petit sifflement.

Et le moine prit un air gracieux et narquois, son débit changea aussi d’allure ; du pas, il alla à l’amble ; il sourit, et l’on sourit. Il n’était donc déjà plus l’homme qui pèse sur la tête de son auditoire ; il l’entraînait au contraire du haut de sa chaire, véritable tour d’éléphant portée par les mille pieds de la foule. Bientôt il ne sentit plus la chaire. Homme, il vit au-dessous de lui des hommes. Ceci l’encouragea à parler de ce ton :

— Monseigneur, le légat Pandolfi se porte bien depuis l’an passé.

— Avez-vous remarqué ? Les indulgences ont été fructueuses, Dieu merci !

Que prouve cela ? Que Wittenberg renferme beaucoup de pécheurs endurcis. Cela prouve aussi pour moi, qui ne suis pas témoin de beaucoup de bonnes œuvres, que nos Wittenbergeois comprennent mal les indulgences, qu’ils appellent brochet la moitié du brochet.

Un éclat de rire de moine, trivial et railleur à la fois, cynique même, jaillit de la bouche de l’orateur ; cet éclat de rire fut suivi d’un :

— Nous sommes des imbéciles, Wittenbergeois, et je le prouve.