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ici ? — c’est le cuivre du chaussetier, du fendeur de bois, du carrier, du mineur, j’en vois là bas près de la porte ; métier pénible ! mon père est mineur. Ce cuivre est noir, puant, vilain, gras, c’est le cuivre du pauvre peuple ; il en marque le coin avec sa tête : — dure empreinte !

Ici le moine hocha rudement la tête, imitant le balancier qui tombe.

Ce geste ne fit pas rire.

— Mais enfin cet or représente pour le tailleur une pièce de drap, une paire de bas pour le chaussetier, pour mon père un sac de charbon. Vous voyez que c’est quelque chose. Pourquoi péchez-vous, si vous ne voulez rien donner ?

L’attention de l’auditoire s’établit. L’Électrice de Saxe, femme au cœur noble et bienveillant, semblait touchée de la fermeté que prenait de plus en plus le débit du pauvre moine. La plume rouge de sa toque affirmativement balancée marquait son assentiment.

Lui-même s’animait, en voyant qu’on ne sortait plus de l’église.

— Et Rome, poursuivit-il d’une voix plus claire, épure tout. Avec le cuivre elle fait de l’argent et de l’or mieux que Cardan l’alchimiste. L’absolution et une pièce de drap vous délivrent du purgatoire ; et si vous devez aller, en enfer, le vilain cuivre métamorphosé en or vous tire des griffes du Satan, et vous paraissez devant Dieu l’âme pure et les poches vides. Voilà comment tout s’épure ; le cuivre devient or, le criminel honnête homme. Et qui peut cela, si ce n’est Rome ? Car le premier devoir du chrétien,