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pect pour la cour ; et la cour, par déférence pour le peuple, ne s’en alla pas. Ce fut tout profit jour les élèves des écoles, qui, loin de voir un sacrifice dans l’accident dont chacun gémissait, s’estimèrent très-heureux d’avoir à bafouer un moine, au lieu d’un orateur à applaudir ; car, augustin, franciscain ou dominicain, tout moine était la bête noire des universités. C’était reconnu, un moine était un âne quant aux oreilles, un bouc pour la luxure, un chien pour la gueuserie, un lézard pour la paresse, un pourceau pour la saleté ; une oie pour l’ignorance. Enfin, un moine était le résumé de tous les vices de la création ; il entrait dans tous les proverbes comme une comparaison déplaisante ; gourmand comme un moine, sale comme un moine. De ces façons de parler peu charitables, nos temps n’ont retenu que : gras comme un moine. La postérité est toujours polie.

Le moine augustin, qui était monté en chaire ; ne semblait mériter aucune exception jusqu’ici par la renommée de ses lumières.

Son front vaste, mais bossué, ce qui n’était alors ni une beauté ni un indice ; des sourcils durs, des joues pâteuses, des yeux incolores, des lèvres pesantes, quelque chose du bœuf qui s’enfle pour mugir dans son nez fort, mal planté à la racine et ouvert à la base, dans son cou ramassé, ne lui attirèrent pas d’abord l’indulgence. Il salua et il fut gauche ; il allongea le bras pour réclamer l’attention ; ce bras fut trouvé court. Bref, la première impression fut fâcheuse. L’orateur avait des miracles à opérer pour faire oublier l’homme. D’une voix basse et à peine entendue, il reprit :