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Ce qu’on venait chercher d’émotions savantes, de difficultés vaincues dans l’art si prestigieux de convaincre, de nouveauté dans le langage, émoussait sans doute la franchise du sentiment pieux qui aurait dû dominer ; mais si l’on s’écartait de la religion à cause de la science, on s’éloignait ailleurs aussi de la science à cause de la religion ; en faisant un pas de chaque côté, on croyait rester à la même place. Ceci est vrai en mécanique.

L’église était presque illuminée. On n’attendait plus que le père Staupitz, supérieur du couvent des Augustins, chargé par l’Électeur de prêcher le carême, et l’Électeur et son épouse. Il était même séant et d’usage que le prédicateur ne fût pas le dernier à se faire attendre, car la cour n’attend jamais.

La patience allemande est longue, le prédicateur augustin fut plus long que la patience : il y eut des murmures.

On annonça monseigneur l’Électeur de Saxe, prince de Wittenberg. L’auditoire se leva.

La chaire restait toujours vide.

L’Électeur et sa femme, s’assirent sur les deux fauteuils brodés à leurs armes.

Dès leur entrée, leur présence avait interdit les conversations particulières et contenu les irritations de l’attente. Elle n’en fut pas moins pénible.

L’Électeur Frédéric était revêtu du costume ecclésiastique de sa dignité. Il portait une toque rouge bordée d’hermine, un camail de la même fourrure retombait sur ses épaules, d’où partait sa longue robe ouverte et pourprée, qui laissait voir un étroit collant terminé par une chaussure en crevés.