— Je ris de me voir porté là-bas sur les épaules du graf qui vient vers nous.
— Comment, sur les épaules du graf ?
— Mais, oui, la superbe peau de renard qui lui descend sur les épaules est ma propre peau, puisque je m’appelle Fuchs.
En allemand il y a calembourg, fuchs signifie renard.
— Donc j’aurai, pauvre Fuchs, la plus belle place dans l’église.
— Bien, très-bien ; moi donc, qui me nomme Hammel, en ma qualité de mouton, j’entrerai aussi dans l’église dans la doublure de son pourpoint ;
— Et moi qui m’appelle Kalb (veau) je passerai avec monseigneur sous la semelle de son soulier.
Leur sauvage contentement redoublait à ces gentillesses de leur esprit, à ces jeux de mots sur leurs noms de bêtes, car, les serfs allemands n’en portaient pas d’autres. De plus en plus pressés, on eût juré, à leurs longs échalas de jambes plantés dans la boue et à leurs figures violettes, un champ d’asperges.
— Et toi, de quoi ris-tu, Claus Pfeiffer !
— Je ne ris pas, j’ai faim.
— Belle découverte ! Ton grand-père en disait autant. Si tu n’as pas d’autres douleurs…
— J’en ai d’autres.
Claus Pfeiffer se tut ; il continua à siffler et à regarder le ciel d’un œil vert où se balançait une larme glacée. Sa haute taille, il avait six pieds, paraissait encore plus longue par son effrayante maigreur ; mais on reconnaissait pourtant une constitution de fer dans Claus. La misère