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après la cathédrale cédée ce jour-là par politesse aux dominicains, l’église des Augustins, où le supérieur de l’ordre, le père Staupitz, était attendu.

Monseigneur le légat Pandolfi monta lentement en chaire, et s’assit dans un fauteuil entre deux de ses trois moines, lesquels, par déférence, ne prirent place que sur des tabourets en velours. Le premier était chargé de fournir des pastilles pectorales à monseigneur, l’autre des arguments ; et quand il arrivait à monseigneur de se tromper, de puiser deux fois à la même source, il restait court ou la bouche pleine.

Le menton appuyé sur le bord de la chaire, comme s’il eût été abîmé dans la plus extatique méditation, il supputait horizontalement, de même qu’un pirate au lever du soleil visite du regard la surface de la mer qu’il se propose d’écumer, il évaluait par têtes groupées à ses pieds le contingent probable des indulgences. Sans dévier de leur attitude, ses moines et lui se communiquaient leurs observations.

— Vous qui avez la vue bonne, leur disait-il, entrent-ils en foule, les Wittenbergeois ?

Le moine aux pastilles répondait : — Non, monseigneur.

Mais, pour ne pas trop attrister le vieux légat, le moine aux arguments ajoutait incontinent : — Monseigneur, le péché ne se mesure pas à l’homme : il y a foule de péchés, croyez-moi.

— Dieu vous entende ! Nous aurons à prodiguer notre miséricorde.