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leures pièces d’artillerie, et il était content ; c’étaient des moines de siége. D’ailleurs, monseigneur avait pour lui les clefs du paradis et de l’enfer nouées à sa ceinture. Cette réflexion le faisait se prendre lui-même en pitié, lorsqu’une sotte appréhension lui suggérait humainement, des doutes sur le succès de sa mission.

Causant ainsi avec lui-même, seule manière de raisonner où les prêtres de cette époque fussent d’accord entre eux, monseigneur parvint, ni trop satisfait ni trop mécontent, à la porte de la cathédrale. Si sur son passage les acclamations n’avaient pas été très-vives, elles avaient été plus concentrées, et l’énergie dans beaucoup de cas prouve plus que l’unanimité. C’est la morale des rois, trois mois après leur avénement.

D’autres églises, ou pour nous exprimer mieux toutes les églises de Wittenberg, s’emplissaient également de fidèles et de gens de la campagne venus exprès pour entendre prêcher les indulgences. Les prédications étaient d’ailleurs autant un spectacle pour l’esprit qu’une édification pour le cœur ; et ce spectacle était un genre de jouissance plus intelligent cent fois que celui qu’on court chercher dans nos théâtres ; car, pour juger du mérite d’un sermon, de l’éloquence d’un prédicateur, il fallait quelques études préparatoires, de l’attention et du jugement, deux qualités dont se passent au besoin nos spectateurs, qui se bornent à sentir.

Parmi les églises où chacun courait selon ses prédilections, son domicile ou sa sainte patronne, la plus encombrée était sans comparaison, — il est vrai que monseigneur l’électeur et sa ducale épouse allaient s’y rendre, —