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II.

— Place ! place à monseigneur le cardinal, Pandolfi ! criaient des hommes d’armes en écartant la foule avec leurs pertuisanes. Place ! place à monseigneur le cardinal.

En ce moment les principales rues de Wittenberg s’emplissaient, regorgeaient de curieux et d’un bien plus grand nombre de curieuses, qui se ruaient sur le passage de monseigneur Pandolfi, afin de voir s’il n’avait, rien perdu de son embonpoint de l’an passé.

Monseigneur n’avait rien perdu.

La maladie et les chagrins avaient respecté cet assemblage de toutes les félicités matérielles de ce bas monde. Le nez du légat, qui n’avait jamais dû porter une ombre très-prolongée sur son visage, et qui avait disparu graduellement à mesure que les joues avaient subi un notable renflement, était à l’époque où nous sommes, novembre 1517, presque nul, aussi nul que le menton de monseigneur effacé dans le tablier de chair qui descendait comme les degrés d’une cathédrale de sa bouche à son cou, ou aussi nul, si l’on préfère, que ses oreilles entièrement perdues derrière cet amas de graisse envahissantes. Restaient la bouche spirituellement tracée et les yeux. Noirs et finement moqueurs, ils avaient conservé leur astuce italienne, malgré l’épaisseur de la charpente au fond de laquelle ils avaient été percés. L’ours portait le renard. Des cheveux que toute la sévérité ecclésiastique n’avait pu