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éperons d’Ulrich Eberstein, le jeune seigneur allemand monté sur le tertre.

— Vous n’avez donc plus voulu habiter cette ville ? disait avec cordialité Ulrich aux vieillards.

— Nous suivons nos enfants, répondaient en tremblant les vieillards.

— Et vous, demandait-il aux hommes mûrs, pourquoi entraînez-vous vos pères au loin ?

— Pourquoi ? mais on nous chasse. Vous ne voyez donc pas cette flamme ?

— Que ne l’éteigniez-vous ?

— L’éteindre ? On à tiré sur ceux qui l’ont tenté, et brisé sur la tête de nos femmes les vases d’eau qu’elles apportaient ; notre seigneur l’a ainsi ordonné.

— Vous lui avez peut-être désobéi ?

— Désobéi ? — Et c’était à qui de ces mille voix répondrait : Il nous a ordonné d’abord de le suivre à la guerre, dure guerre ! — J’ai fait dix ans ; moi quinze ans ! interrompaient des voix.

Beaucoup, en effet, n’avaient qu’un bras, et traînaient un tronçon de jambe.

— Au retour de la guerre, il nous a transformés en chiens et en chevaux, de soldats que nous étions. Redoutable chasseur qui nous lassait plus que des sangliers dans leurs bauges !

— Oui ! oui ! murmuraient amèrement les exilés qui avaient mis leur colère dans la bouche de ceux qui avaient l’énergie de se plaindre. Aboyer ! aboyer depuis le matin ! aboyer dans les fentes de rochers, entre les épines ! aboyer aux animaux !