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Comme au sortir de Rome, nous la voyons reprendre l’ordre de sa marche, sauf pourtant l’éclat extérieur qui la signalait. Enveloppée dans de chaudes pelisses, quoique la saison ne soit pas avancée, le pélerinage s’enfonce dans le cœur des montagnes du Wurtemberg, au sommet desquelles les chênes commencent à rougir.

Au bout de quelques jours, les sapins de la forêt Noire arrondirent leurs voûtes sur nos voyageurs, qui, par précaution, s’adjoignirent des compagnies de marchands appelés par leur commerce à Nuremberg et à Augsbourg, villes célèbres, celle-ci par ses joailleries, son verre et ses glaces, celle-là par sa quincaillerie, ses cartes, sa fonte des cloches, et surtout par cette foule de joujoux si chers au premier âge.

Ils avaient pénétré fort avant dans la forêt, quand ils furent frappés, un matin, au lever du soleil, du spectacle que leur présenta une petite ville, bâtie ou plutôt plantée au revers d’une colline. Une partie de cette ville brûlait, et les habitants, au lieu de s’occuper à éteindre l’incendie, fuyaient du côté opposé. Leurs cris arrivaient jusqu’aux pèlerins, qui s’arrêtèrent pour connaître la cause et le dénouement de cette catastrophe. Le feu augmentait toujours, les cris aussi ; sur les places que la flamme, en passant, avait noircies, on distinguait des groupes de femmes et d’enfants qui levaient les bras au ciel.

La longue file des pèlerins jalonnait la route et contemplait en silence cette scène de désolation. Heureux d’un aussi précieux incident, les ennuyés du voyage, ceux que nous avons dépeints attachés à la suite de la mission sainte, comme de la poussière et de la boue s’attachent à la queue