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famille, à sa femme et à sa fille Katty, n’habitaient plus Boulogne : ils s’étaient retirés à Paris.

Un matin, pâle comme elle s’était montrée dans son château d’Irlande après la mort de sa fille aînée, lady Brady entra dans l’appartement de son mari, et s’asseyant près de lui, elle lui dit :

— Nous ne sommes pas heureux, milord ; Dieu n’a pas béni notre union. Deux filles bien-aimées nous ont été enlevées en deux ans et par la même maladie. Ceci est désespérant à penser.

— Oui, milady, désespérant à penser pour la troisième de nos filles.

— C’est d’elle, de Katty, que je venais vous entretenir.

— Serait-elle malade ! s’écria lord Brady en quittant sa place. Le démon de ma famille, le croup, serait-il ici ? La mort aurait-elle devancé son terme menaçant pour ma fille ? Elle me doit encore dix-huit mois et trois heures, la créancière des Brady.

— Grâce au ciel, milord, je n’ai pas cette mauvaise nouvelle à vous apprendre.

— Je crois, milady, sans calomnier la Providence, qu’elle nous a rarement fourni l’occasion de nous en communiquer de bonnes depuis notre fatal mariage.

— Fatal ! milord, puisque vous l’appelez ainsi ; mais ce n’est pas ma faute du moins. J’aime mes enfants, et j’ai souffert pour eux comme vous : je mourrais pour celle qui nous reste s’il le fallait. — Mais c’est Dieu qui fait leur destinée.

— Dieu fait leur destinée, reprit avec une sombre résignation et du repentir dans la voix, fâché d’avoir blessé la sensibilité de sa femme, le soucieux lord Brady. Oui, Dieu