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fleurs sont semées. Au bruit de la musique et du canon, le clergé se porte au-devant d’eux ; le peuple monte sur les remparts ; le duc leur fait ouvrir les portes.

Joyeuse contrée ! On ne sait dire quelle est la plus folle et la plus contente, de l’Italie qui part ou de celle qui reste, de celle qui, en habits de fête, traverse les villes, ou de celle qui, en habits de carnaval, demande des indulgences. Chez l’une et chez l’autre, même expansion, même exubérance de vie. Mais voici la mer, l’Adriatique, et l’on se sépare ; par là ceux qui vont en Espagne, par là ceux qui vont en Grèce. La puissante république de Venise met au service des pèlerins ses vaisseaux à la poupe élevée, aux longues antennes.

Voici le chemin de ceux qui se dirigent vers l’Allemagne. Le Pô l’indique. Ils saluent Mantoue, la ville du poëte, avant de se reposer au bord du lac de Côme. Après en avoir béni les eaux et mangé les truites, ils traversent Chiavenna, qui regarde avec amour Coire ; Coire et Chiavenna, deux soeurs, l’une italienne, qui a pour miroir le lac de Côme, l’autre allemande, qui baigne ses pieds dans le Rhin ; à droite, leur père, le vieux Tyrol, à gauche leur mère, la Suisse.

De Coire à Bâle, on se rendait par le Rhin, et de cette dernière ville partait, depuis le xive siècle, la navigation commerciale entre l’Italie et l’Allemagne. La barque de saint Pierre s’attache à la remorque des bateliers de l’Alsace, dont les villes tenaient des empereurs le droit d’étape ; c’est-à-dire le privilége de faire remonter le fleuve aux marchandises, et elle aperçoit bientôt, comme une flèche